02/12/2025 mondialisation.ca  4min #297779

Et pendant ce temps, en Syrie après l'Irak et la Palestine occupée : La lumière éteinte derrière les fenêtres des Syriens chrétiens...

Par  Bassel Kasnasrallah

Hier, mon regard s'est posé sur cette phrase que j'avais lue un jour : « Le nombre de portes closes des foyers chrétiens a augmenté à cause de l'émigration ». Une phrase qui résume de longues années douloureuses et l'histoire d'une émigration à nulle autre pareille.

Depuis que la tempête s'est abattue sur notre pays, les chrétiens s'en vont les uns après les autres. Leurs noms tombent autour de moi, comme tombent les feuilles mortes sur les trottoirs déserts.

Les portes de leurs maisons, jadis emplies de rires, se ferment les unes après les autres. Désormais, je parcours des rues dont je connais mieux les pavés que les visages des gens que je croise, et je me surprends à penser : « Je vais rendre visite à untel », pour me souvenir aussitôt qu'il a émigré, ou encore : « Je vais prendre un café chez un parent », et là encore, je me souviens qu'il a émigré. Alors, je rentre chez moi accablé par une solitude insupportable.

Chaque porte close m'a transpercé le cœur. Chaque fenêtre obscure m'a rappelé qu'une douce lueur enveloppait jadis des âmes que j'ai connues et aimées.

Combien de tasses de café ai-je bues de la main d'Oum George sur ce balcon ? Combien de fois avons-nous étudié chez Tony au cours des froides nuits de l'hiver ? Et combien de rires avons-nous partagés certains soirs où l'épouse de mon ami nous servait du taboulé, comme si elle nous offrait une joie que nous savions éphémère ?

Je revois nos jeunes filles et leurs sourires. Nous passions devant elles en rêvant d'un avenir que nous imaginions nous attendre tous. Nous avons grandi… nous nous sommes mariés… nous avons élevé nos enfants… mais l'avenir que nous avions imaginé ensemble a abandonné la moitié d'entre nous, et bien plus encore. Et aujourd'hui, je parcours les mêmes rues, mais je marche seul et triste devant vos portes, lesquelles, je le sais, ne s'ouvriront plus jamais.

Même les avis de décès [affichés sur les murs des églises] ont changé. On ne se contente plus de nous donner le nom du défunt, mais aussi celui de ses enfants « résidant au Canada », « en Suède », ou « ayant émigré en Allemagne »… Comme si nos morts étaient, eux aussi, enterrés à l'étranger. Pourtant, nous continuons d'organiser des carnavals aux titres ronflants célébrant notre attachement à la terre de nos ancêtres, et érigeons des épouvantails dans des lieux désormais désertés, même par la végétation.

Alors pardonne-moi, Fairouz*… en dépit de ton éternelle chanson « Nous reviendrons un jour », ils ne reviendront pas. Ils ne reviendront que pour vendre leurs maisons et leurs biens, si ce n'est déjà fait. Ils vendront avec, leurs souvenirs et les trottoirs qui les ont vus grandir. Ils reviendront s'arrêter quelques minutes devant nos monuments, nos marchés et nos cafés, pour apaiser leur soudaine nostalgie, puis ils repartiront. Et, durant leur brève visite, ils mangeront ce que nous avions l'habitude de manger ensemble, prendront des photos souvenirs et puis, ils repartiront. Même si nous essayons de le nier lors de nos séminaires, je sais qu'ils ne reviendront pas. Je sais que nos églises ne les reverront plus jamais, que nos clubs, nos cafés et nos rues ne résonneront plus jamais de leurs voix, et que leurs sièges vides resteront vides.

Nous qui sommes restés, nous portons sur nos épaules les souvenirs d'un beau passé révolu. Mais, nous n'avons pas le courage de mentir en disant que tout redeviendra comme avant, car vous étiez une partie essentielle de ce qui fut. Quand vous avez quitté, une partie de nous est partie avec vous.

>Oui… les portes closes des foyers chrétiens se multiplient jour après jour. Et chacune de ces portes closes n'est pas simplement de bois et de fer, mais un nouveau chapitre de l'histoire d'une ville qui gémit seule.

Ô Dieu, sois témoin… que j'ai délivré le message !

Traduit de l'arabe (Source : FB ; 27 novembre 2025) 

* Vidéo / Feirouz chante « Nous reviendrons un jour… »

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La source originale de cet article est FB

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